31 janvier 2012

Goodbye

Nous avions réussi à surmonter cette épreuve. La cuisante brûlure que provoquait l'absence s'était estompée au fil des semaines, puis des mois. Il y avait même eu une période où le silence qui régnait entre nous n'était plus troublé. Les choses avaient repris leur cours normal, nos routes s'étant habituées à ne plus cheminer côte à côte. À tel point, je crois, que la douleur de la séparation avait fini reléguée dans un recoin de ma mémoire, poussée là par ce besoin instinctif d'occulter les sentiments désagréables. Puis il y eut les retrouvailles, là encore heureuses, comme s'il ne s'était écoulé qu'un jour depuis la dernière fois qu'on s'était vues. Et subitement, tout ce qu'on avait mis des mois à désapprendre est revenu.
Nous avions réussi à surmonter cette épreuve, et j'ai moi aussi cru que cette fois-ci serait moins éprouvante que la première. Surtout de cette manière. Je me souviens du premier départ ; le souvenir froid et embrumé d'un jour qui ne s'était pas encore levé. La fébrilité mêlée à l'excitation. La fatigue, aussi, qui froissait nos visages. L'effort pour ne pas laisser transparaître toute la peur et la tristesse. Je me souviens des portes qui se referment, et ces visages de l'autre côté de la vitre. C'était un au revoir, mais c'était aussi la chaleureuse aura qui venait me pousser vers l'avant pour la dernière fois avant des mois.
Mais pas cette fois-ci. Je n'aurais probablement pas supporté de te voir sur le quai pendant que le train partait, surtout par une belle journée comme celle-là. Tu as bien raison sur ce point : c'est bien trop éprouvant de monter dans le train sans toi à mes côtés. C'est bien pour cela que le souvenir moins douloureux de cette joyeuse ribambelle assise entre les rayonnages de livres me serre bien moins le cœur. Le bruit des rires dans la foule, des voix familières partageant leur découvertes insolites, ces sourires si chers à mon quotidien, qui disparaissent au tournant, derrière un mur en partant. Alors je préfère ce départ-là, vous laissant continuer à discuter. Pas ce silence qui emplit la gare une fois que le train est parti.
L'absence s'est pourtant durement manifestée. Plus diffuse, plus latente, elle me guettait à chaque seconde en tête à tête avec moi-même. C'est d'ailleurs pour cela que je repoussais l'heure du plongeon dans le pays des rêves tout en désirant y sombrer pour des semaines. Comme pour ce train que j'attendais avec impatience sans toutefois vouloir y monter. La tête vide et l'esprit libre, c'était tout ce que je demandai alors.